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MATT ELLIOTT « Drinking Songs Live 20 Years On »

(08/11/2024 – Ici d’ailleurs / L’Autre Distribution)

Depuis qu’il tourne dans toute l’Europe et même au-delà, le désormais franco-anglais a quasi toujours puisé dans les titres de son disque le plus emblématique, Drinking Songs.  De sa voix profonde appuyée par sa guitare acoustique et désormais son saxophone, c’est en trio avec la pianiste Barbara Dang et la contrebassiste Anne-Elisabeth De Cologne (souvent à ses côtés dans les mois qui viennent) qu’il a choisi de revisiter en live cet album clé. Un voyage à travers les recoins les plus inaccessibles de l’âme, une fenêtre ouverte sur des moments de douleur, de nostalgie et de réflexion. Si quelques titres n’ont besoin que de 4 ou 5 minutes pour nous emporter (What’s Wrong, What The Fuck Am I Doing On This Battlefield ?A Waste Of Blood), le trio étire aussi délicieusement que douloureusement le poignant naufrage du Kursk, ou enchaine comme parfois en concert deux titres pour les emmener au-delà du quart d’heure (C.F Bundy / Trying To Explain, The Guilty Party / Also Ran). Hors format peut-être, ce disque est surtout l’occasion de découvrir, ou redécouvrir comme si c’était la première fois, un artiste et un album hors normes.

NONSTOP réédition 2LP « J’ai rien compris mais je suis d’accord »

(08/11/2024 – Ici d’ailleurs / L’Autre Distribution)

Toujours aidé de son frère Richard ex-bassiste de Diabologum, Frédo Roman donnait en 2009 une suite à l’initiatique Road movie en béquilles, enfonçant dans le cercueil de son espoir le clou d’un hip-hop expérimental sombre, explosif et sarcastique, porté par son phrasé reconnaissable et ses textes surréalistes, aussi forts en formules chocs qu’écrasés de souffrance physique et mentale. Invité sur un titre (Robot à la viande) on retrouve logiquement Arnaud Michniak (qui naviguait alors avec Programme dans des eaux tout aussi troubles et pas très éloignées). Avec Henning Specht (Hypnolove) aux synthés, un troisième Diabologum à la réal et au mix (Denis Degioani), ce casting abrasif était complété sur quelques titres par Serge Teyssot-Gay (ex Noir Désir mais surtout Zone Libre), déjà friand de ponts entre rock et hip hop. Tout aussi obsédé par le corps et ce qui en sort, Stéphane Blanquet signait de nouveau un visuel saisissant et totalement raccord. Alors que NonStop publie cet automne un nouveau disque chez Petrol Chips (Alien au Pays des Aliénés), l’occasion était trop belle de rééditer ce deuxième album pour la première fois en vinyle. Et même en double LP, avec en face D six titres live captés en 2006 aux Eurockéennes de Belfort, lors de l’ultime concert de NonStop. Singulier, dérangeant, inégalé.

MELAINE DALIBERT « Eden, Fall »

(24/05/2024 – Mind Travels / Ici d’ailleurs / L’Autre Distribution) – Dressant un pont entre l’univers des musiques dites « classiques » et la frange ambient de la collection Mind Travels, le compositeur et pianiste Rennais fait ici un retour à la composition algorithmique, mise de côté pour ses précédents disques Shimmering et Magic Square, plus intuitifs. Disparue l’an dernier, c’est la pionnière de l’art génératif Véra Molnar qui l’initia à cette rigueur conceptuelle dont il dit qu’elle « peut faire basculer la géométrie vers la poésie ». En trois pièces aux durées radicalement différentes, Melaine Dalibert questionne en musique notre rapport au temps. Entre le long printemps extatique d’Eden et la tension finale de Fall aussi implacable que le retour de l’automne, le court Jeu de vagues se fait solstice à la frontière de ces deux opposés. Subtil équilibre, espoir d’un éternel recommencement…

OTOMO DE MANUEL coffret DVD/CD « So Young But So Cold / Who Killed Nancy »

(26/04/2024 – Ici d’ailleurs / L’Autre Distribution)

De KaS Product à Winter Family en passant par Geins’t Naït, Oto ou Dick Tracy, jusqu’au label Ici d’ailleurs, Nancy aura vu naître au début des années 80 une scène post-punk prolifique, débridée, expérimentale, DIY, et dépassant souvent le strict cadre de la musique pour embrasser sans complexe d’autres disciplines, s’étendre sur les 90s et influer sur les décennies suivantes. Issu de la scène underground Nancéienne, Otomo De Manuel nous plonge dans cette fascinante effervescence à travers deux documentaires : So Young But So Cold (82′) riche de nombreux témoignages, et une version plus courte déjà projetée sur certains événements, Who Killed Nancy (52′). Le coffret comprend également un CD intitulé Random, Cold and Dilettant Music, sélection élargie de titres issus de la scène nancéienne opérée par Otomo De Manuel. Un vent de liberté finalement moins cold que rafraichissant.

MATT ELLIOTT « The End of Days »

(31/03/2023 – Ici d’ailleurs / L’Autre Distribution)

Depuis les sons électroniques torturés de son projet d’origine The Third Eye Foundation, entamé à Bristol au milieu des années 90, jusqu’aux prestations solo épurées avec une simple guitare classique et sa voix profonde, qui l’amènent à jouer dans toute l’Europe, Matt Elliott a dessiné un parcours aussi singulier qu’admirable. Ce chemin n’est pas qu’une quête d’épure pour le désormais franco-britannique installé de longue date à Nancy (brexit oblige, il a demandé et obtenu sa nationalité). Il s’est mis au saxophone, mais qui l’a vu sur scène sait déjà qu’il n’a en rien altéré la saisissante beauté de ses créations, au contraire : aidé par la contrebasse de Jeff Hallam, la production de David Chalmin et son piano (joué sur scène par Barbara Dang), Matt a trouvé un vecteur supplémentaire pour faire passer l’émotion. Après January’s Song distillée au milieu de l’hiver pour en traduire la froide beauté, on découvre les tentations presque orchestrales de longues pièces pour qui les formats importent peu, jusqu’aux nuances d’Unresolved témoignant du chanteur accompli qu’il peut désormais assumer d’être. Matt Elliott chante cet espace infime, cet entredeux entre la joie intense et le chagrin absolu, cette frontière entre l’indicible et le partagé…

GEINS’T NAÏT + LAURENT PETITGAND + SCANNER « Ola »

GEINS’T NAÏT + LAURENT PETITGAND + SCANNER « Ola »

(03/02/2023 – Mind Travels / Ici d’Ailleurs / L’Autre Distribution)

Evoqué dans le documentaire Who Killed Nancy aux côtés de KaS Product (dont il fut batteur au début des 80s), Thierry Mérigout aka Geins’t Naït réunit à ses côtés deux artistes avec lesquels il a déjà collaboré. D’une part Laurent Petitgand, alter ego de longue date (et par ailleurs complice habituel de Wim Wenders), avec qui il a déjà publié trois albums sur Mind Travels. D’autre part Robin Rimbaud (nom en trompe l’œil puisqu’il est anglais) aka Scanner, référence de la scène ambient. En résulte un album intense et immersif, froid et mécanique souvent, sombre et pourtant étrangement rassurant, hantée par des voix fascinantes comme celle de Gilles Deleuze (Gilles). « Ola, c’est mon chien d’attaque, y a longtemps que j’en voulais un » : n’en ayez pas peur, apprivoisez-le…

MELAINE DALIBERT « Magic Square »

(20/01/2023 – FLAU / Bigwax Distribution – éditions Ici d’Ailleurs)

Après un Shimmering chez Mind Travels / Ici d’ailleurs fort apprécié (et repris par Vanessa Wagner), le pianiste et compositeur rennais signe un nouveau disque, cette fois sur un label japonais. La très mélodique A Song est d’ailleurs dédiée à Ryuichi Sakamoto. La vitalité de Perpetuum Mobile ou le côté pop de Five cohabitent dans un subtil équilibre avec l’audacieuse lenteur de Choral, les cycles agités des sept temps de Ritornello ou la simplicité de Prelude. Bande sonore de nos brefs manques d’attention à la réalité, c’est une musique née et conçue pour rêver…

THIS IMMORTAL COIL « The World Ended A Long Time Ago »

THIS IMMORTAL COIL « The World Ended A Long Time Ago »

(09/12/2022 – Ici d’Ailleurs / L’Autre Distribution)

« Supergroupe » au nom clin d’œil à celui de 4AD, This Immortal Coil est un hommage au duo Coil imaginé par Stéphane Grégoire à la mort de Jhonn Balance. La disparition de Peter Christopherson et des rencontres avec des musiciens ou des signes du destin lui ont donné envie de donner une suite à l’aventure, 13 ans après The Dark Age Of Love. Déjà présents sur celui-ci, Matt Elliott et Christine Ott sont ainsi rejoints par David Chalmin, Shannon Wright, les italiens Zü, les norvégiens Ulver, Orchard (autre « boys band » du label avec Aidan Baker, Gaspar Claus et des musiciens de Chapelier Fou et Zëro), ou le prometteur Aho Ssen. D’excellents guides pour entrer dans une création d’une impressionnante richesse…

MICHEL CLOUP « Backflip au-dessus du chaos »

(18/11/2022 – Ici d’ailleurs / L’Autre Distribution)

Une volonté de cassure, de nouveau départ (mais sans illusion quant à la possibilité de se renouveler totalement) a guidé le musicien Toulousain, passé entre autres par Diabologum et Experience, à choisir de sortir de la formule duo de ses derniers albums. S’il retrouvera son complice le batteur Julien Rufié sur scène, le live se fera en trio avec la guitariste Manon Labry, mais ce nouvel album lui est solo, comme au temps de Peter Parker Experience. Donc avec des boites à rythmes et des sons électroniques, mais toujours autant de guitares tranchantes. Nous embarquant à bord de [S]on ambulance lancée à plein gaz, Cloup fait montre d’une belle énergie dans le Lâcher prise, reste fidèle à ses thèmes de prédilection et son phrasé reconnaissable entre tous tout en montrant que Vieillir n’est pas forcément renoncer. Osant finir par une relecture de L’Internationale, Michel Cloup ne fait pas table rase du passé mais s’offre mieux qu’une pirouette pour retomber sur ses pieds. Un backflip.

MIËT « Ausländer »

(21/10/2022 – Ici d’ailleurs / L’Autre Distribution)

La solitude pousse-t-elle à partir à la rencontre de l’autre ? Toujours seule en scène, la Nantaise Suzy LeVoid explique combien la découverte d’une altérité nourrit sa création, au point d’avoir choisi pour ce deuxième album toujours anglophone un titre en allemand, accentuant la distance avec cet étranger dont il est question. On n’a pourtant pas l’impression qu’elle est seule, tant ce nouvel album est riche. Il parvient à s’appuyer sur les solides bases du premier (celles d’un rock abrasif aux fureurs jamais gratuites et sachant aller à l’essentiel sans s’assécher), pour s’ouvrir. S’ouvrir à d’autres styles (Not The End lorgnant vers une pop urbaine où on ne l’attendait pas), à d’autres sons (gimmicks electro entêtants de Sleeping Dog, nappes oniriques de The One That Loves), d’autres façons de faire cheminer rythmes et ambiances (I Belong To The Dead, Did We Ever), à un calme certes toujours inquiet (The One That Kills), à la lenteur même (poignant The Path), voire à une impressionnante amplitude vocale (Unbeknownst). A l’instar de l’introductif Ones, il y a souvent plusieurs facettes dans les créations de Miët, aucune ne laissant deviner quelle sera la suivante, comme dans une rencontre où le premier regard ne saurait suffire si le sujet est digne d’intérêt. Un concept illustré avec brio par le saisissant visuel de cet album : on n’a pas fini en somme, de faire le tour de la question.