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MATT ELLIOTT « The End of Days »

(31/03/2023 – Ici d’ailleurs / L’Autre Distribution)

Depuis les sons électroniques torturés de son projet d’origine The Third Eye Foundation, entamé à Bristol au milieu des années 90, jusqu’aux prestations solo épurées avec une simple guitare classique et sa voix profonde, qui l’amènent à jouer dans toute l’Europe, Matt Elliott a dessiné un parcours aussi singulier qu’admirable. Ce chemin n’est pas qu’une quête d’épure pour le désormais franco-britannique installé de longue date à Nancy (brexit oblige, il a demandé et obtenu sa nationalité). Il s’est mis au saxophone, mais qui l’a vu sur scène sait déjà qu’il n’a en rien altéré la saisissante beauté de ses créations, au contraire : aidé par la contrebasse de Jeff Hallam, la production de David Chalmin et son piano (joué sur scène par Barbara Dang), Matt a trouvé un vecteur supplémentaire pour faire passer l’émotion. Après January’s Song distillée au milieu de l’hiver pour en traduire la froide beauté, on découvre les tentations presque orchestrales de longues pièces pour qui les formats importent peu, jusqu’aux nuances d’Unresolved témoignant du chanteur accompli qu’il peut désormais assumer d’être. Matt Elliott chante cet espace infime, cet entredeux entre la joie intense et le chagrin absolu, cette frontière entre l’indicible et le partagé…

GEINS’T NAÏT + LAURENT PETITGAND + SCANNER « Ola »

(03/02/2023 – Mind Travels / Ici d’Ailleurs / L’Autre Distribution)

Evoqué dans le documentaire Who Killed Nancy aux côtés de KaS Product (dont il fut batteur au début des 80s), Thierry Mérigout aka Geins’t Naït réunit à ses côtés deux artistes avec lesquels il a déjà collaboré. D’une part Laurent Petitgand, alter ego de longue date (et par ailleurs complice habituel de Wim Wenders), avec qui il a déjà publié trois albums sur Mind Travels. D’autre part Robin Rimbaud (nom en trompe l’œil puisqu’il est anglais) aka Scanner, référence de la scène ambient. En résulte un album intense et immersif, froid et mécanique souvent, sombre et pourtant étrangement rassurant, hantée par des voix fascinantes comme celle de Gilles Deleuze (Gilles). « Ola, c’est mon chien d’attaque, y a longtemps que j’en voulais un » : n’en ayez pas peur, apprivoisez-le…

MELAINE DALIBERT « Magic Square »

(20/01/2023 – FLAU / Bigwax Distribution – éditions Ici d’Ailleurs)

Après un Shimmering chez Mind Travels / Ici d’ailleurs fort apprécié (et repris par Vanessa Wagner), le pianiste et compositeur rennais signe un nouveau disque, cette fois sur un label japonais. La très mélodique A Song est d’ailleurs dédiée à Ryuichi Sakamoto. La vitalité de Perpetuum Mobile ou le côté pop de Five cohabitent dans un subtil équilibre avec l’audacieuse lenteur de Choral, les cycles agités des sept temps de Ritornello ou la simplicité de Prelude. Bande sonore de nos brefs manques d’attention à la réalité, c’est une musique née et conçue pour rêver…

THIS IMMORTAL COIL « The World Ended A Long Time Ago »

(09/12/2022 – Ici d’Ailleurs / L’Autre Distribution)

« Supergroupe » au nom clin d’œil à celui de 4AD, This Immortal Coil est un hommage au duo Coil imaginé par Stéphane Grégoire à la mort de Jhonn Balance. La disparition de Peter Christopherson et des rencontres avec des musiciens ou des signes du destin lui ont donné envie de donner une suite à l’aventure, 13 ans après The Dark Age Of Love. Déjà présents sur celui-ci, Matt Elliott et Christine Ott sont ainsi rejoints par David Chalmin, Shannon Wright, les italiens Zü, les norvégiens Ulver, Orchard (autre « boys band » du label avec Aidan Baker, Gaspar Claus et des musiciens de Chapelier Fou et Zëro), ou le prometteur Aho Ssen. D’excellents guides pour entrer dans une création d’une impressionnante richesse…

MICHEL CLOUP « Backflip au-dessus du chaos »

(18/11/2022 – Ici d’ailleurs / L’Autre Distribution)

Une volonté de cassure, de nouveau départ (mais sans illusion quant à la possibilité de se renouveler totalement) a guidé le musicien Toulousain, passé entre autres par Diabologum et Experience, à choisir de sortir de la formule duo de ses derniers albums. S’il retrouvera son complice le batteur Julien Rufié sur scène, le live se fera en trio avec la guitariste Manon Labry, mais ce nouvel album lui est solo, comme au temps de Peter Parker Experience. Donc avec des boites à rythmes et des sons électroniques, mais toujours autant de guitares tranchantes. Nous embarquant à bord de [S]on ambulance lancée à plein gaz, Cloup fait montre d’une belle énergie dans le Lâcher prise, reste fidèle à ses thèmes de prédilection et son phrasé reconnaissable entre tous tout en montrant que Vieillir n’est pas forcément renoncer. Osant finir par une relecture de L’Internationale, Michel Cloup ne fait pas table rase du passé mais s’offre mieux qu’une pirouette pour retomber sur ses pieds. Un backflip.

MIËT « Ausländer »

(21/10/2022 – Ici d’ailleurs / L’Autre Distribution)

La solitude pousse-t-elle à partir à la rencontre de l’autre ? Toujours seule en scène, la Nantaise Suzy LeVoid explique combien la découverte d’une altérité nourrit sa création, au point d’avoir choisi pour ce deuxième album toujours anglophone un titre en allemand, accentuant la distance avec cet étranger dont il est question. On n’a pourtant pas l’impression qu’elle est seule, tant ce nouvel album est riche. Il parvient à s’appuyer sur les solides bases du premier (celles d’un rock abrasif aux fureurs jamais gratuites et sachant aller à l’essentiel sans s’assécher), pour s’ouvrir. S’ouvrir à d’autres styles (Not The End lorgnant vers une pop urbaine où on ne l’attendait pas), à d’autres sons (gimmicks electro entêtants de Sleeping Dog, nappes oniriques de The One That Loves), d’autres façons de faire cheminer rythmes et ambiances (I Belong To The Dead, Did We Ever), à un calme certes toujours inquiet (The One That Kills), à la lenteur même (poignant The Path), voire à une impressionnante amplitude vocale (Unbeknownst). A l’instar de l’introductif Ones, il y a souvent plusieurs facettes dans les créations de Miët, aucune ne laissant deviner quelle sera la suivante, comme dans une rencontre où le premier regard ne saurait suffire si le sujet est digne d’intérêt. Un concept illustré avec brio par le saisissant visuel de cet album : on n’a pas fini en somme, de faire le tour de la question.

MATTHIAS DELPLANQUE « Ô Seuil »

(23/09/2022 – Mind Travels / Ici d’Ailleurs / L’Autre Distribution)

Suite directe du Drachen également paru sur la collection Mind Travels dédiée aux musiques instrumentales (ambiant, indus ou disons un peu à part), le nouvel album du Nantais expert en paysages sonores est certes « électronique », mais l’ensemble des sources sonores est acoustique. Sans doute cela ajoute-t-il au pouvoir d’évocation narratif de chacune de ses pièces, enrichies d’une large palette d’instruments percussifs. Transe inspirée du Moyen-Orient (Seuil 3, Seuil 6) ou timbres évoquant l’Asie du Sud-Est (Seuil 8) entre autres permettent de voyager loin sitôt franchie la porte de ce disque étonnamment facile d’accès, promesse tenue pour le nouveau chapitre de cette passionnante collection.

YANN TIERSEN « Avant la chute » EP

(19/08/2022 – Ici d’Ailleurs / L’Autre Distribution)

1997, le label Ici d’ailleurs prend son envol et se prépare à publier Le Phare de Yann Tiersen, troisième album qui sera celui de sa reconnaissance auprès du grand public. Afin de le promouvoir on avait alors décidé de sortir une petite compilation hors commerce et destinée aux professionnels, regroupant des morceaux des trois premiers albums et trois autres titres ne figurant sur aucun d’entre eux. D’abord Avant la chute, face B d’un 45 tours offert ponctuellement avec l’album Rue des Cascades. Ensuite Avant qu’ils arrivent, issu de la compilation de l’association Sine Terra Firma titrée « Ici, d’ailleurs… » et qui donna son nom au label. Enfin La vie rêvée, créé pour la bande originale du film La vie rêvée des anges. Avec la référence IDA 000, Avant la chute était donc resté entre les mains de seulement quelques personnes. A l’occasion des 25 ans du label Ici d’ailleurs, nous avons eu envie de témoigner par cette petite compilation de toute l’étendue du talent de notre toute première signature Yann Tiersen, qui encore à ce jour avec l’album 11-5-18-2-5-18 (chez Mute) nous démontre son insatiable créativité sans cesse en évolution. Le bon moment nous semble-t-il pour la rendre disponible pour ses nombreux fans.

MENDELSON « Le dernier album »

(15/10/2021 – Ici d’Ailleurs / L’Autre Distribution)

Pascal Bouaziz et sa bande à géométrie variable choisissent de mettre explicitement fin à une aventure à part qui aura duré un quart de siècle, littéraire et pourtant dotée d’une musicalité exceptionnelle, dure souvent, pince-sans-rire parfois, émouvante toujours. Il sera donc bientôt trop tard pour découvrir pourquoi et comment un groupe aussi « inconnu » a pu accéder au statut de « culte » de son vivant. La chanson Le dernier disque fait figure de manifeste pour cet ultime geste, auquel La dernière chanson vient quant à elle mettre un point final, avec de manière surprenante plus de gratitude que de regrets ou d’aigreur. Seulement cinq titres avec l’autobiographie amère et caustique mais aussi étrangement apaisée qu’est Les chanteurs, au contraire du poignant Héritage. Et avec Algérie, chanson-fleuve comme seul Mendelson en a, en avait le secret. Sans doute la pièce maîtresse de ce disque final, estocade bouleversante où Pascal Bouaziz parvient à mêler le propos très politique du précédent album avec le discours le plus intime d’une profonde nostalgie : comme dans 1983 (Barbara) son œuvre la plus célébrée, c’est quand il raconte sa propre histoire qu’il tutoie les sommets.

STRANDED HORSE « Grand Rodeo »

(17/09/2021 – Ici d’Ailleurs / L’Autre Distribution)

Que faire face aux derniers feux d’un monde qui s’éteint ? Si ce n’est, sans faux espoir, d’essayer de garder en vie cette lueur ? Kora en main, Yann Tambour nous propose la danse et la transe pour faire face à l’apocalypse qui semble se profiler. Avec ses trois complices Boubacar Cissokho, Sébastien Forrester et Miguel Bahamondès-Rojas (et Carla Pallone sur Le ciment sous nos pieds), il puise dans des héritages venus d’un large panel auquel après tout le terme « musiques du monde » pourrait convenir, celles de l’occident parmi beaucoup d’autres. En anglais ou en français, la forme peut se faire poignante (reprise du Thiely de L’Etoile de Dakar ou Sparks Turn To Stone) ou faussement plus légère (irrésistible Rumba du Trépas), ce sont là les chroniques de temps étranges, telles les couleurs chaudes et les flous kaleïdoscopiques d’un rêve tragi-comique où il nous faut bien avancer, fut-ce à reculons…