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ANTOINE HÉNAUT « Album 46 »

(19/05/2023 – 30 février / PIAS)

De la chanson si bien écrite qu’elle peut se permettre d’être pas-electro-du-tout (Les gens qui vivent trop longtemps), rock seulement quand c’est l’idée (Chanteur amateur), chaloupée à l’occasion (Jour sang), un peu reggae parfois (Mes parents rock’n’roll, À l’imperfection), délicieusement ternaire souvent (Michel et Océane, Le Syndrome de Stockholm, Sans toit). Le belge excelle dans les exercices de style faussement faciles, comme la brève pochade Olé ! (sûrement pensée pour la scène où sa réputation le précède) ou la poilante et maligne mise en abyme Pop en l’air. Si son 3e album est marqué par la paternité et ce qu’elle implique pour les parents (Entre nous) comme pour les enfants (J’ai pas demandé), Antoine Hénaut ne s’est pas replié sur lui-même et n’a rien perdu de son goût pour les autres. C’est parce qu’il aime les gens qu’il sait comme personne dresser des portraits, ne laissant personne sur la touche. De la tendresse et du brio.

FREDDA « Phosphène »

(12/05/2023 – Microcultures / Kuroneko)

Si c’est plus qu’une brise légère qui a inspiré Vent diable le premier extrait de cet album, c’est un vent de liberté qui souffle sur ce nouveau disque, enregistré avec le complice habituel Pascal Parisot, mais aussi le renfort de la bande de Matt Low (The Delano Orchestra, Murat…). L’écriture et la voix de Fredda sont plus lumineuses que jamais (Nordique Ophélique, Long…), les mélodies s’immiscent vite (Viens avec moi, Dorveille…) : comme une Phosphène sous des paupières fermées, chaque nouvelle chanson laisse une trace aux couleurs subtiles.

JÉRÔME MINIÈRE « Détour » EP

(05/05/2023 – Objet Disque / Kuroneko)

C’est au texte de la chanson Détour que le franco-québécois avait emprunté le titre de son album paru à la fin de l’été, La mélodie, le fleuve et la nuit. Minière s’amuse ici à proposer une convaincante version alternative de la chanson, groovy et nonchalente, puis la revisite en mode électro déstructurée avec les chœurs de sa fille Fé, et conclut par une version instrumentale où le piano et l’évidence mélodique nous emportent en douceur vers de chaudes nuits d’été…

ADÉLYS single « L’Araignée »

ADÉLYS single « L’Araignée »

(03/05/2023 – La Voix d’Aile / Absilone)

Adélys c’est « la fille en jaune » qui installe sa chanson électro dans le paysage en tournant partout, seule sur des scènes dont elle occupe l’espace avec conviction. Avant une série estivale à Avignon puis la sortie de son 1er album co-réalisé avec Mell, on la découvre sur ce titre entêtant : L’Araignée, animal mal aimé et symbole de la femme créatrice. Les percussions de l’intro sont comme des coups de boxe sur un ring où elle se bat face au vieux monde, décor d’un clip où le Noble Art se fait chorégraphie. Tout en douceur, comme le danseur Philippe Priasso, on finit au tapis…

VIOLETT PI « Baloney Suicide »

(21/04/2023 – L-A be / Horizon Music / Sony)

Après 6 ou 7 ans d’absence durant lesquels il a tourné avec sa compagne Klô Pelgag et publié un recueil de poésies un peu trash dont il a repris le nom pour son troisième album, le québécois VioleTT Pi est de retour. Baloney Suicide se place sous une sainte trinité pour le moins surprenante qui réunirait Mr Bungle, Nirvana et Gilles Deleuze ! Un premier single très pop (Celui qui attend), mais en forme de fausse piste : la folie n’est jamais loin (Bipolaire, Jeté au monde comme un trophée…), comme la souffrance qui oblige pourtant à s’accepter comme on est (Aubade Juvénile, Pollen Saturnien). Musicalement, chaque chanson est souvent un échafaudage vertigineux car VioleTT Pi n’aime poser des repères que pour les faire exploser (Butane). On sort un peu secoué mais grandi de cette exploration avec lui d’un « suicide pour de faux », un peu plus vivant aussi : « je vois des lueurs dans le noir infini« …

GONTARD « 2032 »

(21/04/2023 – Petrol Chips / Inouïe Distribution)

Après son dernier album Akene qui nous renvoyait dans la parenthèse presque insouciante du tournant 75/85, le valentinois donne comme prévu une suite à son uchronie 2029. Un avenir où deux sociétés distinctes se mettent en place : d’une part le régime officiel géré par la nouvelle noblesse et ses droïdes, d’autre part la Communauté du Nord, zone tolérée, constituée d’agriculteurs, scientifiques, poètes, garçons et filles de joie. Voici le nouvel épisode du western social où Gontard et le narrateur-miroir Akène Guetno nous entrainent dans leur parcours, ambiance corde et potence (Ce qui restera de nous), Ballades mélancoliques (Juste quelques flocons qui tombent, Allonsanfan…) et remises à jour 2.0(32) du rocksteady (Seul le croque-mort a pleuré) ou de sonorités et ambiances un peu indiennes / un peu hippies (La nuit disparue, Krishna 2032). Horizon musical élargi donc, mais toujours au service du propos, journalisme social et critique d’un monde d’après, où restera l’espoir de faire Reset

TARA KING TH. « Конец (La Fin) »

(21/04/2023 – Petrol Chips / Inouïe Distribution)

Complice de Gontard à la production ou aux claviers, Ray Bornéo met fin avec ce disque à 20 années d’un parcours chaotique mais passionnant, celui de son désormais one man band Tara King Th. Avec Erik Stefanini (déjà co-auteur de Fantaisies Stellaires), il a écrit l’histoire d’une jeune femme, Yelena, qui part seule pour un long périple vers l’inconnu au coeur de l’immensité Russe, à la recherche d’un peuple mystérieux et ancestral du Kamchatka qui pourrait la sauver, elle et ses proches, d’une terrible menace. Macha a traduit en russe les textes de cet album et se les est appropriés pour retranscrire et incarner parfaitement les différentes facettes du personnage principal, tantôt douce et fragile, tantôt farouche et déterminée. Appuyé par la chorale de poche de la jeune Zel (également signée chez Petrol Chips), les sons synthétiques inventifs, les orchestrations ultra-baroque et la dextérité mélodique de Tara King Th. nous entrainent dans une sorte d’opéra-indé sans équivalent. À qui aurait peur de se frotter à la langue d’un vilain dictateur, on rappellera qu’il n’est rien face à l’immensité de ce pays qu’on visite ici par l’imagination, de La traversée du Kamtchatka (Переход Камчатки) à l’implacable force de Одержимые Тундрой (Les Possédés de la Toundra) en passant par la fascinante beauté de Балет падающих листьев (Le Ballet de feuilles mortes).

MATT ELLIOTT « The End of Days »

(31/03/2023 – Ici d’ailleurs / L’Autre Distribution)

Depuis les sons électroniques torturés de son projet d’origine The Third Eye Foundation, entamé à Bristol au milieu des années 90, jusqu’aux prestations solo épurées avec une simple guitare classique et sa voix profonde, qui l’amènent à jouer dans toute l’Europe, Matt Elliott a dessiné un parcours aussi singulier qu’admirable. Ce chemin n’est pas qu’une quête d’épure pour le désormais franco-britannique installé de longue date à Nancy (brexit oblige, il a demandé et obtenu sa nationalité). Il s’est mis au saxophone, mais qui l’a vu sur scène sait déjà qu’il n’a en rien altéré la saisissante beauté de ses créations, au contraire : aidé par la contrebasse de Jeff Hallam, la production de David Chalmin et son piano (joué sur scène par Barbara Dang), Matt a trouvé un vecteur supplémentaire pour faire passer l’émotion. Après January’s Song distillée au milieu de l’hiver pour en traduire la froide beauté, on découvre les tentations presque orchestrales de longues pièces pour qui les formats importent peu, jusqu’aux nuances d’Unresolved témoignant du chanteur accompli qu’il peut désormais assumer d’être. Matt Elliott chante cet espace infime, cet entredeux entre la joie intense et le chagrin absolu, cette frontière entre l’indicible et le partagé…

FOREST POOKY « Violets are Red, Roses are Blue and Dichotomy »

(17/03/2023 – Kicking Records / PIAS)

Après une enfance aux USA (comme ses grands frères d’Uncommonmenfrommars), Forest Pooky a passé son adolescence en Ardèche. S’il a depuis emménagé à Lyon, promené son « folk-punk » en solo sur plusieurs continents pour plus de 1000 concerts et publié quelques splits EP et autres recueils de reprise, c’est ici seulement son 2e album. Il le défendra sur scène en quartet. Du moins tant qu’il y prendra du plaisir, ce qu’il raconte sur le premier single If I Get Sick of It (et son clip sur le mode « que faire d’autre ? »), juste ce qu’il faut d’anachronisme pop dans les chœurs et les guitares gorgées d’accords majeurs pour mettre un peu de soleil. Il sait aussi se faire plus tendre et un peu crooner sur Voice of Silence, Jojo ou Fog voire Crazy Heart, sans pour autant délaisser l’énergie (The Ceiling and the Floor, What You Gonna Do), mais souvent simple et pop (Wallflower, I Know What Love Is). Chaleureux et attachant.