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MICHEL CLOUP « Catharsis en pièces détachées »

(14/11/2025 – Ici d’ailleurs / L’Autre Distribution)

Cet album monstrueux a un ordinateur à la place du cœur. Trois êtres humains y sont connectés : Michel Cloup, Manon Labry et Julien Rufié. Ils ont nourri par couches et strates successives ce millefeuille de papier de verre et de crème pâtissière numérique. Après La honte et David, Goliath et Godzilla, premiers extraits buvant la tasse des reflux politiques de part et d’autre de l’Atlantique, on ira faire un tour en compagnie du compère Fredo/NonStop (Toulousain lui aussi) pour un H&M tranchant et sanglant, dégoulinant comme les peintures de Stéphane Arcas, et les quelques moments plus posés (Le poison / L’antidote, Maria, ou Place du Ravelin à Toulouse encore…) n’en seront pas pour autant moins intenses. Jusqu’au roboratif SISRAHTAC, ça défouraille, ça gueule, ça parle trop, mais c’est dans doute le bon moment pour un coup de tronçonneuse dans la fourmilière.

PUTS MARIE « Pigeons, Politicians & Pinups at the End Time of Mankind  »

(26/09/2025 – Autoproduction / Inouïe Distribution)

Dans la pénombre de cette fin du monde, ou du moins de l’humanité, le groupe suisse mené par le charismatique Max Usata déploie lentement mais avec une intensité permanente ses histoires de marathonien pieds nus (Long Distance Runner), de colombophile sur les toits de NY (Bird Breeding Man), d’employés de bureau embourbés dans leur médiocrité et tentant de donner le change (A Con Man Goes Around) ou de trouver un sens (Ciccolina & the Clerks). Poursuivant sa trajectoire singulière, Puts Marie explore encore d’autres formes, la mélancolie jamais très loin, faisant surgir du sombre et du glauque une beauté sans pareille.

ZËRO « Never Ending Rodeo »

(19/09/2025 – Ici d’ailleurs / L’Autre Distribution)

Six ans après la sortie de Ain’t That Mayhem, le groupe lyonnais revient avec Never Ending Rodeo : un dérapage contrôlé à travers les frontières du post-punk, de la noise et du psyché. Eric Aldéa (guitare, voix), Franck Laurino (drums), Ivan Chiossone (persephone, synthés), et désormais Varou Jan (guitare, basse) n’ont rien perdu de leur tranchant. Les années passées sur scène avec Virginie Despentes et Béatrice Dalle, dans ces lectures sonores de Calaferte ou Pasolini, ont laissé des traces. Zëro s’empare désormais du son comme d’un langage scénique : les morceaux deviennent des séquences, des plans, des gestes. Chacun pourrait exploser, mais aucun ne le fait véritablement. Tout est dit, mais rien n’est clos. Un rodéo sans fin…

THE YOUNG GODS « Appear Disappear »

(13/06/2025 – Two Gentlemen / Bigwax)

Le plus grand groupe Suisse est de retour, et après la superbe parenthèse In C (Terry Riley) ils voulaient « quelque chose de plus brut » affirme leur leader Franz Treichler. Alors avec ses complices Bernard Trontin et Cesare Pizzi (pionnier du sampling sur les premiers albums), il n’hésite pas à faire rugir la (vraie) guitare, parce qu’il « s’agit toujours de briser la formule ». L’album est à la fois très personnel pour Franz puisqu’il a été affecté par la disparition de son épouse, mais aussi très politique (déplorant la situation à Gaza ou la guerre des drones). Après l’énergie sombre de l’éponyme premier single Appear Disappear, on plongera dans les rythmiques entêtantes de Systemized, puis on retrouvera l’aisance habituelle des Helvètes pour faire quelques belles incursions en français (Hey amour, Mes yeux de tous), jouant habilement sur les mots quelle que soit la langue (Tu en ami du temps, Blue Me Away). Fêtant leurs 40 ans de carrière avec ce disque et une tournée dans toute l’Europe, les Gods ne sont manifestement pas prêts d’être Off the Radar.

BRIEG GUERVENO « Un noz a vo »

(16/05/2025 – ZRP / Kuroneko)

Les éventuels a priori sur l’idée d’un album de folk en Breton seront vite balayés à l’écoute de ce disque, qui parachève le virage entamé par l’artiste avec son précédent album. Dans sa langue paternelle, il évoque avec pudeur la tempête qui a soufflé sur sa vie (Ar Barr Avel), l’impression d’être « passé à côté » (Hebiou Din) n’empêchant nullement l’espoir, au contraire, pourvu qu’on ne craigne plus l’embrasement de son cœur (magnifique Kalon flamm) et  les pages qui se tournent ensuite. Nourri de lectures (Jón Kalman Stefánsson, Emily Brontë), ce disque enregistré au Pays Basque est le premier du Costarmoricain à parler d’amour, débarrassé de la peur de la perte (Piv ‘vin), tourné vers la nature, conscient que nous finirons en poussière (Poultrenn), remarquable de maîtrise et de sérénité.

MAUVAIS SANG « La faune »

(09/05/2025 – Dagaanda / The Orchard)

Suite du diptyque entamé l’an dernier avec l’EP La flore dont il partage certains titres (Modèle, Nuit venin…), le second album du groupe savoyard disséminé entre Genève, Londres, Lyon et Paris continue de prendre des risques et de creuser sa belle singularité. Celle d’un chant en français pour une musique tour à tour abrasive et aérienne (comme Nouvelle ère son premier extrait), d’un propos sachant mêler l’intime et l’universel au milieu d’un monde en mutation, observant une humanité comme figée Sur la plage et qui feint d’ignorer le danger tout proche (La danse du feu). Celui aussi d’être des jeunes gens pas encore trentenaires et pourtant déjà tournés vers ceux qui suivront (et survivront ?) : hypnotique L’enfant, vertigineux Loin

THE YOUNG GODS « Appear Disappear » single

(27/03/2025 – Two Gentlemen / Believe)

40 ans de carrière pour le plus grand groupe suisse, qui se fit connaître en chamboulant le rock avec ses sons-de-guitare-sans-guitare, mais n’hésitant pas à empoigner ensuite la six-cordes pour n’être jamais où on l’attend, influençant jusqu’à NIN et Bowie. Avec ce nouveau single, la guitare est de retour, incisive, annonçant un nouvel album à la fois frontal, personnel et politique, occasion pour Franz Treichler, Cesare Pizzi et Bernard Trontin de repartir en tournée dans toute l’Europe à l’automne.

ZËRO « Datapanik in the Year Zëro » compilation numérique

(10/01/2025 – Ici d’ailleurs / Alter-K Distribution)

Né sur les cendres des précurseurs noise/post-rock Deity Guns / Bästard puis Narcophony, le groupe Lyonnais Zëro avait enchainé de 2006 à 2018 des albums largement salués, avant d’être essentiellement occupé sur scène comme backing band de luxe pour Virginie Despentes et Béatrice Dalle (rejointes dernièrement par Casey). Eric Aldéa et ses complices annoncent un nouvel album pour septembre, cette compil’ permet donc non seulement de revenir sur les points saillants de leurs disques (y compris le mini-album Places Where We Go in Dreams avec la perle Uprising, et l’étonnant 45 tours de reprises de James Brown Superbad), mais aussi de savourer une version live de Fast Car enregistrée à la Gaîté Lyrique, et même de découvrir un inédit qui prendra place sur le nouvel album, Boogaloo Swamp

FAÏENCE « Tendance » ep

(13/12/2024 – Human Sounds / IDOL)

L’un vient d’Épinal, l’autre de Rouen, mais c’est en Belgique qu’ils se sont rencontrés il y a déjà quelques années : Julien Bouchard était venu assurer la première partie du groupe où Médéric ‘Med’ Gontier est guitariste (Tahiti 80). Ils partagent un goût commun pour le son des 90s, de Teenage Fanclub à Dinosaur Jr, mais l’envie déjà accomplie d’écrire en français. Même s’il répète « J’ai tendance à me perdre », on se retrouvera vite dans leur premier single, avant d’aller explorer un EP qui assume son côté pop, du spleen souriant de Suis moi à la promesse de la démo Askip, en passant par le shoegaze frenchie de De fou et la mélodie sucrée offerte par les Dents longues. Avec une telle carte de visite, ils peuvent les avoir.

MAUVAIS SANG « La flore » EP

(22/11/2024 – Dagaanda / The Orchard)

Annonçant un diptyque dont le 2e album La faune constituera l’autre versant, cet EP propose un ensemble singulier où les tensions entre individualité et conformisme, entre liberté et danger, entre raccourcis simplistes des apparences et complexité de la réalité sont mis en lumière. Après les singles Seine et Modèle, on découvre la respiration et le moment suspendu constitué par Sybille et sa harpe, avant de retomber l’oppression hypnotique de Nuit venin évoquant le danger sournois des « piqûres » venant gâcher la fête. Réflexion sur des thèmes universels et vaste amplitude musicale allant de la pop aérienne et l’électro-noise la plus abrasive : Mauvais Sang s’affirme en prenant bien des risques. Dont celui d’être captivants.