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THE REED CONSERVATION SOCIETY « La société de préservation du roseau »

(02/02/2024 – Violette Records / Kuroneko)

Les orfèvres pop Stéphane Auzenet et Mathieu Blanc passent au français après trois EP anglophones. Avec le renfort entre autres de Yann Arnaud aux manettes et de l’étoile filante Natacha Tertone (sur La nage indienne et Le mont de piété), TRCS signe un premier album toujours marqué par une patte mélodique des plus habiles, et un goût pour les somptueux arrangements. Comme l’annonce la pochette de Sophie Lécuyer, la nature et l’eau sont omniprésents sur ce disque, s’inspirant de la peinture (Petit coefficient, Aux rochers rouges…), imaginant des histoires d’amour dans un monde en plein chaos (superbe premier single Pylônes), à distance (Le tamis, autre single de grande classe), parfois dramatiques sans jamais tomber dans le glauque (À cœur joie), invente une ‘murder ballad’ en VF (Molly), un blues foutraque (Saint-Elme dans le désert), et même une échappée vers l’aventure à travers un poste de radio (Laïka). Première classe, ça sonne pas mal non plus en français.

DAVID SCRIMA « Gardien de musée »

(19/01/2024 – Yum Yum Records / Believe)

Illustrateur reconnu aimant dessiner sur la musique, songwriter de longue date ayant eu pour « professeur de chansons » Hubert Mounier (L’Affaire Luis Trio), David Scrima a beaucoup écrit pour d’autres avant que Mark Daumail (Cocoon) parvienne à le convaincre de sortir ce premier album, l’aidant à choisir parmi les 260 titres accumulés (!). Et provoquant même l’envie d’en écrire d’autres, comme celui donnant son nom au disque. Sa pop francophone ligne claire distille souvent un peu de spleen (remarquable Comment ça va vite), parfois subtilement voilé d’un peu d’autotune (Gardien de musée / Gardien épuisé), une forme de fatalisme si serein et chaleureux qu’il en est réconfortant (Le bon côté des choses, On va tous mourir…), un peu de légèreté aussi (La vie sauvage, Le sublime, CBi1fé…), de la tendresse (Sasha), de la mélodie et de l’évidence (Rhino). Bref, tout ce qu’on aime dans la pop.

RUPPERT PUPKIN « Je liquide »

(05/01/2024 – Choke prod. / Inouïe Distribution)

L’emprunt de son nom à un personnage campé par De Niro témoigne de la proximité d’Emmanuelle Destremau aka Ruppert Pupkin avec le cinéma. Comédienne, scénariste, réalisatrice, elle a signé deux albums anglophones depuis 2015, mais celui de 2019 est un hybride entre musique et photo. Il faut donc un grand angle pour embrasser l’ensemble du tableau brossé par son travail artistique multiforme. Elle revient avec un nouveau disque où la nécessité d’écrire et de chanter parfois en français s’est naturellement imposée. Avec raison si l’on en juge entre autres par le premier single S’adonnent à la danse. Roadtrip à l’intérieur d’une mémoire intime ou collective, Je liquide est par essence et par volonté insaisissable, empruntant ici à l’electro ou la cold wave, là au rock et à la chanson, jusqu’à réussir les exercices toujours périlleux de la chorale de mômes (All the Roads) ou de la ballade piano voix (Ils savent). Une ode à la liberté de tout dire et de tout incarner. Ambigüe. Multiple. Liquide.

SON PARAPLUIE feat. Armelle Pioline « Ami, ennemi » (single)

(15/11/2023 – 80proof Records / Europop2000)

Un coup de cœur pour Paris n’existe pas et voilà que Son Parapluie, initié par Jérôme Didelot (Orwell), se retrouve programmé aux TransMusicales de Rennes. Et puisque sur scène le chant féminin sera tenu par Armelle Pioline (Superbravo, Holden), voilà l’occasion de sortir un nouveau single, toujours dans un registre pop ligne claire, avec cette patte bien reconnaissable. Ecrit à 4 mains, Ami, ennemi raconte ce goût des batailles qui s’impose souvent dans le jeu amoureux…

32e édition des ROCKOMOTIVES de VENDÔME

(28/10 au 04/11/2023 – Vendôme / 41)

Valeur sûre pour un public local habitué à découvrir un vaste éventail de propositions musicales, comme pour des pros venant parfois de loin profiter de leur ambiance incomparable et des occasions de découverte qu’elle offrent, les Rockos 2023 proposeront encore une fois une belle montée en puissance sur 8 jours, depuis les découvertes Cosse ou Flyng Moon in Space le premier week-end jusqu’aux têtes d’affiche Emilie Simon, Puppetmastaz, Ascendant Vierge ou Zaho de Sagazan en fin de semaine, renforcées des retours attendus de 22 Pisterpiko et Karkwa, en passant par les valeurs sûres Michel Cloup, Superparquet ou Astéréotypie, et des régionaux de l’étape largement au niveau comme Mossaï Mossaï ou Transmission. Entre autres !

GÉRALD GENTY « Marchons sur Mars »

(27/10/2023 – 30 février / PIAS)

Voilà un nouveau disque enregistré dans des conditions presque live et plus organiques assez inédites pour le chanteur, avec le fidèle Julien Carton aux claviers, le renfort à la basse de Benjamin Glibert (Aquaserge…), et la chance d’avoir convaincu Mathieu Boogaerts de tenir la batterie. Le virage amorcé avec son précédent album Là-haut ressemble plutôt à une ascension voire à un décollage. Vers les cieux, le podium ou l’au-delà ? Un peu des trois tant les grands espaces (Sans lac sans Vosgien…), le sport (S’y mettre un jour…) et la mort traversent encore une fois et plus que jamais ce nouveau disque. En douceur et dans l’espoir (Marchons sur Mars, Encore en vie…), puisant dans la limpidité des chansons simples de son frangin (Série américaine), s’autorisant aussi bien à être subtilement poignant (Vider les lieux) que plus léger (Tralalaponie, CherNobyl) et même à boucler la boucle (Le bain), Gérald Genty réussit la gageure d’offrir à la fois la chaleur et le frisson.

JEAN-PHILIPPE GOUDE « Le Salon Noir »

(13/10/2023 – Ici d’ailleurs / L’Autre Distribution)

Tirant son nom d’une grotte de l’Ariège où nos lointains ancêtres se sont interrogés par la création sur le mystère insondable et permanent de leur présence au monde, ce double-album marque le retour du compositeur, qui s’était fait connaitre pour ses arrangements (Mistral Gagnant de Renaud) ou ses génériques télé et pub, avant de constituer un répertoire classique par sa forme, mais sachant mêler exigence contemporaine et évidence mélodique. Il y retrouve entre autres le contre-ténor Paulin Bündgen, qui comme sur Disparaître à nos vies tient une part décisive à la beauté aérienne et mélancolique de certaines pièces. Intemporel.

MANU LOUIS « Copy Club »

(29/09/2023 – Igloo Records / Socadisc)

Le Belgo-Berlinois imagine un monde Flou où chacun se verrait remplacé peu à peu par son Clone (1er single entêtant), où tout deviendrait tellement uniformisé que le seul îlot de résistance serait un vieux magasin de photocopies, car incapable de reproduire un original sans le changer. Lorsque Economy (autre single orienté dancefloor foutraque) et Ecology n’incitent qu’à s’enfuir, où se réfugier ? Avec ses quelques invités passant de l’Anglais au Français suivi d’une touche d’Espagnol, et recyclant sans vergogne chanson française, indie-pop, ou electro avant-gardiste, l’ex-Funk Sinatra propose au moins un petit moment d’échappatoire fort bienvenu, arty mais accessible, expérimental mais dansant.

TRUNKS « We Dust »

(13/10/2023 – Il Monstro / L’Autre Distribution)

Un casting de choix : à la batterie Régïs Boulard (NO&RD, Sons of the Desert), à la guitare Stéphane Fromentin (Yes Basketball, Ladylike Lily), à la guitare également et au chant Florian Marzano (We Only Said), au saxophone Daniel Paboeuf (Marquis de Sade, DPU) et à la basse et au chant Laetitia Shériff. Formé en 2003 pour l’anniversaire du Jardin Moderne avec des musiciens rennais qui y répétaient, ce “supergroupe” aurait du être éphémère si la magie et l’amitié réunissant ses membres ne les avaient poussés à tourner et sortir des disques durant une dizaine d’années. Mais rien depuis 2013, chacun ayant fort à faire. L’envie était pourtant toujours là et s’entend dès le premier single Les belles choses, cette force pour traverser les épreuves de la vie parce qu’on a la chance d’être ensemble. Servis par la réalisation de Thomas Poli, avec quelques instrus riches (O.B.O…), des montées en puissance impressionnantes (Blood on Poppies, Edgeways), et des créations purement collectives où chacun apporte sa touche (Memotrunks), cet album rappelle combien le rock au sens large, et justement, a encore bien des choses à dire, surtout lorsqu’il vient d’une de ses capitales. 

BRUIT NOIR « IV/III »

(15/09/2023 – Ici d’ailleurs / L’Autre Distribution)

Le nouveau Bruit Noir est encore pire donc encore mieux que les deux premiers. Voire que les trois premiers, mais ça on ne saura jamais car ils sont directement passés à l’album « IV/III ». Comme si Pascal Bouaziz et Jean-Michel Pirès voulaient d’entrée de jeu écarter l’idée de « dernier album » après s’être échappés de Mendelson. Des punchlines un cran au-dessus des rappeurs quitte à les prendre dans leur propre tronche (« Daniel [Darc] c’était une cathédrale, toi t’es qu’un putain d’Algeco » – Béatrice), eux qui se sentent « vieux-vieux-vieux » (Coup d’état), un climax qui s’appelle Tourette, l’envie de choquer certes mais aussi dans le bon sens du terme (édifiant Le visiteur), des instrus abrasifs où vient s’écorcher le fakir Bouaziz… Et plus il s’agite, plus il se fait mal et nous fait du bien, dans la méchanceté (ArtistesChanteur engagéCalme ta joie) ou dans une certaine émotion (Petit PrinceCommuniste), mais crue, à vif, sans le moindre couvercle du sur-moi sur ce moteur à plein régime de fiel, de tendresse et de mauvaise foi. « C’est parti pour l’album de trop » (et tant mieux).